Doritos Gate, un an après…

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Quoi ? Les journalistes ne sont pas totalement indépendants ?

Je devais avoir 12 ou 13 ans la première fois que j’ai eu l’impression de lire des tests qui sur-vendaient un peu des jeux de manière douteuse, ça fait un peu plus de 20 ans.
Lors d’une discussion avec Kelesis, il m’avait parlé de ce qu’on pourrait appeler un « non test » écrit par un journaliste qui devait avoir pour consigne de ne pas dire de mal du jeu. Si il le retrouve, je pense qu’on le partagera ici avec vous.

Mais attention, ça n’est pas qu’avec les jeux vidéos, j’ai souvenir de chroniques dithyrambiques de disques vites oubliés puisqu’on ne les retrouvaient pas dans le top album du journaliste quelque semaines plus tard, et même chose avec les critiques de films… Amitiés, conflits d’intérêts, allez savoir…

Et là, on ne parle que d’art ou de divertissement !
Je vous invite à aller voir un film sorti fin 2012, qui s’apelle « Les nouveaux chiens de garde », tiré du livre éponyme de Serge Halimi. Vous pouvez voir les dix premières minutes sur Youtube, et quelques extraits sur le site officiel.
Ce film parle entre autre de l’indépendance des journalistes, politique cette fois ci, c’est bien plus grave, mais il y a moyen de faire quelques parallèles avec l’affaire dont nous parlons ici.

De toute temps, et partout dans le monde, l’indépendance des journalistes a été mise en doute, et je trouve ça plutôt sain, on a bien sûr besoin d’eux pour avoir les infos, mais ils ne devraient pas avoir une quelconque influence sur notre façon de penser.
On devrait toujours se rappeler qu’ils ne disent pas forcément tout, soit parce qu’ils ne savent pas, soit parce qu’ils ne peuvent pas. Et il ne faut aussi jamais oublier qu’il y a toujours quelqu’un au dessus d’eux, un rédacteur en chef, des groupes financiers…

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Je n’ai pas trouvé la même infographie pour la presse française, mais sachez qu’on en est pas loin avec des journaux, sites, radios et chaines de télévision détenus par quelques groupes : Lagardère, Dassault, Arnault, Bouygues, Bolloré…

Lorsque j’ai vu « Les nouveaux chiens de garde », je me suis fait la réflexion suivante : « Je vois ce reportage sur un chaine du groupe Canal +, et pas un seul journaliste du groupe n’est cité ! ».
C’est vrai ça, pourquoi ? Canal+ a les journalistes les plus indépendants du paysage audiovisuel français ? Ou alors ils ont financé le projet donc on a pris soin de pas trop les montrer du doigts ?

Cela ne remet pas en cause le propos du film, ni la qualité du travail fournis, mais sans sombrer dans la paranoïa totale, on doit toujours se poser des questions. Il ne faut jamais éteindre son cerveau quand on lit, ou quand on écoute quelqu’un, comme dirait un grand penseur et acteur incompris : il faut être aware.

De toute façon c’est le business !

Si vous êtes aware, vous constatez peut-être que vous aviez parfois sur la page d’accueil des sites que vous fréquentiez, au moins 5 publicités, et 3 ou 4 articles à la une pour le même jeu.
On pourrait vous dire que c’est normal, que le jeu va sortir donc il y a des pubs, et que le site parle des jeux qui vont sortir…
Et vous auriez raison de répondre que le problème c’est qu’il y a quand même d’autres jeux qui mériteraient d’être mis à la une puisque que pour eux il n’y aura pas autant de publicité…

Oui, mais il faut quand même bien comprendre que ces sites ne sont pas de simples blogs de passionnés, les gars sont payés pour écrire du contenu, et quand on veut son salaire, faut faire ce qu’il faut.

Pour avoir un minimum d’audience, le site doit proposer régulièrement un contenu intéressant, des tests de jeux le plus vite possible, et encore mieux du contenu exclusif.

Pour obtenir du contenu exclusif de la part d’un éditeur, c’est préférable d’être aimable, et de se montrer enthousiaste lors d’une preview d’un jeu testé dans un hôtel avec quelques coupes de champagnes et un buffet à volonté.

Le site doit aussi fournir des tests des jeux le plus vite possible, pour se positionner comme une aide pour les potentiels clients, pour ça il faut avoir des version éditeurs, et si vous vomissez sur eux, il ne risque pas de vous les envoyer…

Tant que le site parle et donne de bonnes notes aux jeux, l’éditeur flattés se dira qu’il a tout intérêt à habiller ces tests élogieux avec des publicités pour pousser le consommateur à l’achat, et c’est là que le site commence à gagner un peu d’argent.

Mais imaginons une seconde…
Après plusieurs mois de previews et de commentaires plutôt optimistes, un jeu sort, le budget est pharaonique, les enjeux énormes, et les potentiels acheteurs attendent les premiers tests…
L’éditeur envoie quelques jours avant le jeu, gratos, dans sa version limitée spécialement conçue pour les journalistes, et là… C’est le drame ! L’équipe du site trouve à l’unanimité que le jeu est une bouse cosmique, et fier de son indépendance, le démoli sans concessions et publie le test la veille de la sortie.
Là l’éditeur fou de rage décide de couper le budget pub, et hop, on retourne acheter des chips marque pouce.

Je n’ai jamais travaillé dans une rédaction ou autre, mais admettez que même si ce scénario est un peu vite expédié, on doit pas être très loin de la réalité.
Bien sûr, il y aura un coup de téléphone, un peu de diplomatie…

« Vous pouvez décider de couper le budget pub, mais on fait quand même un million de visiteurs par jours…Et puis ne vous inquiétez pas, on a dézingué ce jeu mais pour le moment on est les seuls, sur Metacritic son score et bon, et promis on sera indulgent avec le prochain ! »

Et encore, là on est dans le cas ou le site avait vraiment décidé de démolir le jeu, en vrai ça n’arrive pas si souvent.

Parce qu’il ne faut jamais l’oublier : Ils font eux aussi parti du business !
Même si parfois elle fait de la news à troll, et ne se rend pas forcément compte des retombées néfastes que ça peut avoir, la presse n’a en réalité aucun intérêt à empêcher les éditeurs de vendre leurs jeux, bons ou mauvais, de quoi ils parleraient sinon ?

L’industrie a bien plus intérêt à financer des ménestrels que des pamphlétistes, c’est le jeu ma pauvre Lucette !

Alors faut plus les lire, et plus regarder les notes sur Metacritic ?

Ah ! Metacritic… C’est pratique, ça fait la moyenne de toutes les notes donnés dans la presse. Enfin, une partie de la presse.

Et puis c’est un truc choc qu’on peut sortir sur les forums quand un jeu se fait démolir : « Ouais chez gametruc vous y connaissez rien, vous avez donné une super note à Warriors of the War alors que sur Metacritic il a une moyenne de 52 ! ».

Remarquez qu’après le Doritos Gate, quand un jeu prenais une note un peu élevé, on pouvait lire quelques commentaires du type « Et elles étaient bonne les chips ? ». Amusant… Ou idiot.

Tout ça pour dire, Metacritic, c’est une moyenne de notes, et parfois entre le texte et la note, il y a une grosse différence.

Je vais prendre le cas de Disney Infinity, un jeu dont j’ai parlé ici et qui ne m’emballait pas particulièrement, j’étais quand même curieux de voir ce que ça donnerait, je suis donc allé lire plusieurs tests.

Chez Gamekult on estime que le jeu est faible, avec un 4/10, même chose en gros chez Jeuxvideo.com avec 8/20 alors que les impressions étaient très bonnes lors de la preview du jeu, sur Gameblog le test ne donne pas envie non plus, mais pourtant au final le jeu récolte 3/5, la meilleure note jusqu’ici, et on fini avec le test d’IGN qui lui met 8,7/10, une très bonne note, et un article très positif.

Bon, chez IGN, vous en pensez quoi ? Le mec s’est fait payer un séjour d’une semaine pour lui et sa famille chez Disneyland ? Ou alors c’est un fan ultime de Disney qui n’est clairement pas objectif dans son test ? Franchement je n’en sais rien.
Par contre, je sais pourquoi je ne lis plus IGN depuis 10 ans.

Parlons des trois tests français maintenant, si on résume un peu vulgairement, ça dit que le jeu est médiocre, mais que les figurines sont belles. Cruel, mais juste.
Je serais encore plus cruel en disant que le style des figurines ne rend franchement pas hommage à toutes les licences Disney, mais ça n’est qu’une question de gout.

En tout cas, c’est vraiment ça la conclusion qu’on se fait quand on lit ces trois tests, mais alors pourquoi Gameblog met une bonne note malgré tout ? Indulgence ? Envie d’y croire alors on met une note d’encouragement ? Là non plus je n’en sais rien, mais tout ce que je sais, c’est que je m’en fous de la note ! Il mettrait 5 étoiles que ça ne changerait rien, ce qu’il raconte dans son test me suffit pour me rendre compte que le jeu ne va pas me plaire.

Et c’est là ou je veux en venir, on peut se moquer complètement des notes et même de l’avis d’un journaliste quand on n’a pas l’habitude de le lire, mais par contre ce qu’il livre dans sa critique est intéressant, il va décrire les mécaniques du jeu, les éléments importants, parfois il va comparer à d’autres jeux qu’on connait, et là même un type qui a la pression vis-à-vis de son rédacteur en chef pourra faire ce qu’on attend de lui, à savoir parler du jeu tout simplement.

C’est pour cette raison qu’il faut continuer à s’intéresser au contenu des tests, pas pour leur avis, mais pour en savoir plus sur le jeu. Parce que ça, sur Metacritic, on l’a pas.

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